2010 - Paysans, paysages...

Colloque de Sorèze

Les 11, 12, 13 et 14 février 2010

« Tout est dans un flux continuel sur la terre. Rien n’y garde une forme constante et arrêtée »
(Jean-Jacques Rousseau in Les rêveries du promeneur solitaire).

« Même rayé à mort, un simple rectangle de trente-cinq millimètres sauve l’honneur de tout le réel »
(Jean-Luc Godard in Histoire(s) du cinéma)

Le paysage ne relève pas que du naturaliste, il s’insère dans une discipline plus large, celle des origines, des énergies en lutte, des conflits de toute nature, une dialectique minimale ; il n’y a pas de mort du paysage, mais une modification constante de l’étendue d’un pays où toute action de l’homme, le paysan du paysage notamment, opère des changements larges et profonds. Autrement dit, l’émergence de ces transformations est indissociable des rapports entre l’homme et la nature, qu’il s’agisse de la nature ressource et de ses connivences avec les paysans ou bien de la nature commercialisée, de la nature polluée, de la nature militarisée…

Si vous décidez de planter un arbre, et quelle qu’en soit la raison, c’est un geste qui concrétise des échanges, car il est moins nature que produit d’une nécessité vitale de nourriture, de rapports de lutte, de recherche en agronomie, de rapports économiques. Or, des arbres plantés, des arbres arrachés constellent par millions l’histoire et l’imaginaire de l’homme, avec la délimitation d’espaces singuliers, l’édification de patrimoines et des constructions mémorielles, ici comme ailleurs, en Amazonie, en Afrique…

Cependant, si les liens entre paysans et paysages sont au fondement de l’histoire et de l’identité des campagnes, qu’en est-il aujourd’hui, alors que les orientations du monde industriel semblent avoir précipité la rupture entre le paysan et le paysage ?

En effet, assujettie aux principes de rendement et de concurrence, la consommation, érigée en idéal de vie, glisse en direction d’une tragique fuite en avant jusqu’à l’apparition d’un homme sans gravité. C’est un peu l’aboutissement des propositions que faisait à la fin du XVIIIe siècle l’agronome anglais Arthur Young dans son ouvrage Le cultivateur français puisqu’il y proposait que, pour développer la société de fabriques, il faille que le plus grand nombre possible de manufactures soit maintenu par le plus petit nombre de cultivateurs possible, tout un programme de déplacements, d’exode et de transformation du paysage, avec ses lots de résistances, de drames humains, d’effacement des plis et replis du relief, de l’abandon de terre, de territoires et de défaites symboliques de la campagne au profit de la ville.

Un mouvement regardé de près parfois, par ceux (chercheurs, cinéastes, photographes, écrivains ou autres) qui ne pensent le paysage qu’en relation aux paysans, mais le plus souvent de loin par ceux qui pensent le paysage sans la main de celui qui sillonne, creuse, bâtit, enfante, circule, taille, entretient, ceux qui, dans la passion de produire pour produire, réduisent le monde à un simple objet d’exploration technique et mathématique, au risque de sombrer dans l’oubli de l’être.

Ainsi, ce colloque a pu inviter à l’exercice d’une vaste liberté d’interroger ce rapport paysan-paysage avec les images, comme outils d’investigation, aussi bien que dans les images de valorisation de la recherche ou autres qui fabriquent ou regorgent bien souvent d’excellentes munitions, selon le mot de Montaigne, pour avancer dans la connaissance de la construction identitaire socioprofessionnelle et culturelle du paysan et de l’agriculteur, du Paysage abandonné aux politiques, du Paysage repris par les paysans d’aujourd’hui, du Paysage comme témoin des mutations du métier, du Paysage ressource comme de justifications, du Temps des campagnes, du Temps des agriculteurs de la PAC, du Temps de l’environnement, ici comme ailleurs.

Ce colloque a été aussi celui du paysage des chercheurs, comme rencontre avec les paysages, l’agriculture ou les paysans, séparément ou entrelacés, par le truchement de films, de photographies ou de montages sonores qui, dans les pratiques diverses des sciences sociales et autres, sont autant de segments de clarté qui apportent une contribution singulière à l’analyse rigoureuse d’un aspect du réel.

COMITÉ SCIENTIFIQUE

  • Gérard Leblanc, Professeur à l’École Louis Lumière (Paris)
  • Guy Chapouillié, Professeur (Université Toulouse II-Le Mirail)
  • Gilles Methel, Professeur (Université de Toulouse II-Le Mirail)
  • Philippe Ragel, Maître de Conférences (Université de Toulouse II-Le Mirail)
  • Anne Marie Granié, Professeur (Université de Toulouse II-Le Mirail)
  • Jean Pascal Fontorbes, Maître de Conférences (ENFA, Toulouse).